Allocution prononcée par François Barral lors des obsèques de Guy GIBEAU le 17 juillet 2017
Il y a 44 ans Guy est entré en service, le 1er avril 1973 (déjà le sens de l’humour), comme soldat pour effectuer le service militaire.
Rapidement repéré, il suit la formation d’élève-officier de réserve et reste en situation d’activité, déjà chez les chasseurs, au 19° GC.
En 1975, décidé à servir son pays, il est à l’Ecole Militaire de Strasbourg pour préparer le concours de l’EMIA (Ecole Militaire Interarmes). C’est là qu’il y a 42 ans nous rencontrons.
Ayant réussi le concours il intègre avec nous la promotion Capitaine de Belsunce.
A l’issue, il choisit l’infanterie et, fidélité oblige, fait le choix d’une unité de chasseurs, le 8° GC à Wittlich.
Au grade de capitaine (1984-1986) il commande une compagnie de chars au 150° RI de Verdun.
Après un passage de 4 ans à la section technique de l’Armée de Terre à Bourges, comme officier expérimentateur - période trop longue « en moutarde » dit-il, - il revient (1993) à ses premières amours « bleu jonquille » au 19° GC à Willingen, comme chef de bataillon.
Puis à partir de 1996, il est affecté en état-major à Lille, où il passe au grade de lieutenant-colonel.
En 2001 il rejoint l’E-M de la Région Terre Nord-Ouest à Rennes « et toujours en bleu !».
2010 c’est le temps de la retraite à la suite de 37 années de service dans l’active.
Mais ce n’est fini car il « rempile » dans la réserve opérationnelle, dans la foulée, à la Délégation Militaire Départementale / Zone de défense, jusque dernièrement.
Servir, voilà tout Guy. Servir dans la droiture, avec une compétence éprouvée de son métier, avec un amour du travail bien fait et surtout le souci de l’humain. Le grade d’officier dans l’ordre du Mérite National, ses 9 lettres de félicitations, ses emplois en bureau du personnel et de la condition militaire, ses missions au profit de la reconversion en sont la preuve.
Fierté, voilà tout Guy. Pas une fierté de façade, provocatrice. Une fierté vécue dans les actions du quotidien, par un comportement de dignité. Fierté simple, entre autres, de la tenue « bleu jonquille » des traditions de son arme, les chasseurs, qu’il connaissait à fond. A Coëtquidan il arrivait qu’il nous chante à l’envie les refrains des bataillons de chasseurs, « les diables bleus » de 14-18. Il en tirait un grand bonheur, bien partagé.
Optimisme, humour et franc-parler, c’est encore tout Guy. Je n’ai pas souvenir que son humour fut blessant. Son franc-parler pouvait surprendre, mais pas humilier. Son optimisme sans faille c’est sa marque de fabrique. Déjà très fatigué il avait annoncé qu’il serait à la réunion annuelle de la promotion de 2016 et il y est venu. D’autres se seraient ménagé. Et il nous disait qu’il serait avec nous en Italie pour le 40° anniversaire de la promo en juin 2017. Seule la maladie l’en a empêché. Optimisme en co-rédigeant ces derniers mois un livre sur le char AMX 13 qui sortira bientôt en France.
Fidélité, voilà tout Guy. Fidélité à son pays, à son arme, à son engagement de jeunesse, à son école, à sa promotion et à ses origines dans la ferveur du quotidien.
Courage, ardeur et force morale, voilà tout Guy. Au moment où nous partions faire ce voyage de promotion en Italie et auquel il avait dû renoncer finalement, il m’a envoyé depuis son lit d’hôpital, ce message à lire aux camarades qui y participaient :
« Mon curé m’a conseillé de prier quotidiennement le Notre Père. Je lui ai désobéi, partiellement. J’ai choisi le chant de notre école, la Prière, écrite par l’aspirant Zirnheld en 1942. Tout simplement parce que les paroles « collent » avec ce que je vis au quotidien : je ne veux ni repos, ni même la santé, mais je demande à Dieu de me donner la foi, la force et le courage afin qu’au milieu de la tourmente et de la souffrance je reste sûr de moi. Je lui demande de me donner l’ardeur qui m’est nécessaire afin de mener cet ultime combat contre mon ennemi intime : le cancer.
Vous penserez à moi quand vous chanterez la Prière sur la tombe du capitaine de Belsunce, en Italie, au Garigliano »
J’ai eu la chance de passer deux heures seul avec Guy dans ses deniers jours. Je lui ai dit que nous avions chanté sur la tombe du capitaine, en pensant à lui. Et puis comme il me le demandait nous avons redit cette Prière ensemble.
Nous la chanterons tout à l’heure, comme Guy l’a souhaité.
En s’engageant dans les combats de la France Libre l’aspirant Zirnheld savait qu’il aurait ce qu’il demandait. Il a été tué un peu plus tard dans les sables de Cyrénaïque.
Guy n’a pas demandé la maladie. Mais son courage a été d’affronter, avec une lucidité exemplaire, cette tourmente qui l’a saisi depuis 2011.
Le capitaine de Belsunce, notre parrain de promotion, dont le courage faisait l’admiration de ses tirailleurs a été tué en lançant sa compagnie à l’assaut du mont Girofano en mai 1944.
Toi Guy, ton Girofano tu l’as pris d’assaut pendant toutes ces années de souffrance. Mais ce courage au quotidien tu le vivais depuis longtemps, surement soutenu par les paroles de ce chant, de cette prière entonnée ensemble il y a 40 ans déjà.
Au cours de ces deux heures passées ensemble tu m’as dit que tu avais été heureux de la vie que tu avais menée, de tes choix, de la belle famille que vous avez construite avec Brigitte ton épouse. Quand je t’ai quitté j’ai été surpris, je n’étais pas triste. Tu avais su me communiquer ton optimisme indéfectible.
Il y a quelques jours un camarade m’a écrit ; je vous le lis :
« Chose beaucoup plus importantes que toutes les marques extérieures souvent seulement apparentes, Guy a incarné dans la simplicité les vertus suprêmes de l’officier issu de nos rangs : esprit de service, l’endurance, la ténacité, la fidélité. »
Alors Guy, nous, ceux de la Belsunce nous sommes fiers de toi.
Brigitte, les enfants et les petits-enfants vous pouvez l’être aussi.